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Tequila : histoire, origine et fabrication

03.01.2023

En shot ou en cocktail, la tequila est la reine de bien des nuits de fête. Mais derrière cette eau-de-vie d’agave mexicaine se cache bien plus qu’un simple « dérideur » du samedi soir. Dans cet article, vous en apprendrez davantage sur son histoire et sur l’artisanat traditionnel qui la caractérise.

Pulque – comment tout a commencé

Les agaves constituent la base de la tequila. Ces plantes occupaient une place extrêmement importante chez les peuples indigènes du Mexique tels que les Aztèques. Elles étaient consommées, transformées en vêtements et en matériaux de construction, et servaient de combustible ou encore de médicament. Elles étaient également utilisées lors de rituels religieux. On faisait bouillir ce qu’on appelle le « cœur » de l’agave et on faisait fermenter le jus qui en sortait. Il en résultait une boisson lactée et alcoolisée, appelée pulque, à laquelle on attribue une origine divine. Les grands prêtres aztèques n’en consommaient que lors de fêtes importantes.

Au début du XVIe siècle, les Espagnols dirigés par Hernán Cortés ont conquis l’empire aztèque. L’agave a ainsi perdu sa signification religieuse. Le pulque était désormais accessible à toute la population et ceux qui voulaient en produire devaient payer un impôt aux Espagnols. La boisson devint bientôt si populaire qu’elle constitua l’une des plus grandes sources de revenus fiscaux du gouvernement colonial.

Le début de la distillation

On ne sait pas exactement quand et comment la distillation – condition préalable à la production de boissons hautement alcoolisées comme la tequila – a été introduite au Mexique. Il existe deux théories à ce sujet et il est bien possible que les deux soient vraies.

L’une d’entre elles trouve son origine aux Philippines. Après que les Espagnols eurent également fait des Philippines une colonie, les premiers immigrants philippins arrivèrent au Mexique en 1569. Ces derniers maîtrisaient la distillation et se sont aussitôt lancés dans la production de lambanog, une eau-de-vie de palme de leur pays. Dans leurs distilleries, ils ont embauché des travailleurs indigènes qui ont rapidement assimilé les connaissances en matière de distillation et les ont appliquées à l’agave. Le jus d’agave distillé était appelé mezcal, ce qui signifie « agave cuit » dans la langue indigène nahuatl.

Selon la deuxième théorie, ce sont les Espagnols eux-mêmes qui ont commencé à distiller le pulque. Les alambics nécessaires existaient déjà en Europe à cette époque. Il était donc facile de distiller le pulque et d’obtenir un spiritueux à haute teneur en alcool – le mezcal.

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Mezcal et tequila

Vous avez peut-être déjà entendu le terme de mezcal. C’est le terme générique pour les distillats mexicains de jus d’agave. La tequila est une sous-forme du mezcal qui ne peut être produite que dans la région aux alentours de la petite ville de Tequila. Alors que le mezcal est produit à partir de plus de 30 variétés d’agave différentes, seul l’agave bleu de Weber (nom latin agave tequilana) est autorisé pour la tequila. Il existe d’autres différences au niveau de la production, sur lesquelles nous reviendrons plus loin.

En règle générale, on peut dire que toute tequila est un mezcal, mais tout mezcal n’est pas une tequila.

Quelle que soit la manière dont la distillation est arrivée au Mexique, il est certain que le mezcal a rapidement été produit à grande échelle. C’est vers 1600 que la première distillerie commerciale de mezcal a vu le jour près de la ville de Tequila. Peu après, le gouvernement colonial commença à prélever des taxes sur l’alcool et, à partir de 1636, les distilleries devaient obtenir une licence d’État.

L’histoire du succès du mezcal

Les affaires prospéraient et le marché était en pleine expansion. Dans tout le pays, de nombreuses exploitations familiales se sont lancées dans la production en utilisant leurs propres agaves. C’est ainsi que sont nées de nombreuses spécificités régionales et des saveurs individuelles, résultant des différentes méthodes de production, des terroirs et, last but not least, des diverses sortes d’agaves. En effet, sur les plus de 270 variétés d’agave connues, plus de 30 sortes différentes sont utilisées pour produire du mezcal, en fonction de la région et des préférences des producteurs. Ce marché à petite échelle a été conservé en grande partie jusqu’à aujourd’hui. La plupart des distilleries de mezcal sont de petites entreprises familiales qui se transmettent leur savoir-faire traditionnel de génération en génération – à la différence des producteurs de tequila qui travaillent souvent à l’échelle industrielle.

Cultivateur d’agaves dans un champ d’agaves. Source : Adobe Stock, jcfotografo

Après une longue phase de popularité, le mezcal est devenu un concurrent sérieux pour les producteurs espagnols de brandy et de porto : ils perdaient de plus en plus de parts sur le marché mexicain. Le gouvernement colonial, sous pression, s’est vu contraint d’interdire la production de mezcal en 1785. Cela ne sonna toutefois pas pour autant le glas des producteurs, car la distillation continuait bien entendu en secret.

Par chance, l’interdiction n’a pas duré longtemps – le nouveau roi d’Espagne, Carlos IV, l’ayant levée quelques années plus tard. En 1795, il accorda la toute première autorisation officielle pour la production de mezcal à un certain José María Guadelupe Cuervo. À cette époque, celui-ci représentait déjà la deuxième génération à exploiter une distillerie à Tequila, qui existe toujours. Après l’indépendance du Mexique en 1821, les alcools espagnols ont perdu de leur importance, ce qui a naturellement profité au mezcal. Les premières exportations de mezcal vers les États-Unis ont eu lieu dès le milieu du XIXe siècle.

Du mezcal à la tequila

Jusqu’à cette date, on ne faisait guère de différence entre la tequila et le mezcal. Le mezcal de la région de Tequila était simplement appelé « mezcal de Tequila ». Les choses ont changé lorsque Don Cenobio Sauza a ouvert sa distillerie en 1873 et a commercialisé son produit exclusivement sous le nom de « tequila ». Il a découvert que l’agave bleu de Weber était le mieux adapté à la production, car il pousse rapidement, a une forte teneur en amidon et mûrit plus tôt que la plupart des autres variétés d’agave. Les autres producteurs de la région ont rapidement suivi son exemple et n’utilisaient plus que cette variété d’agave. La tequila s’est de plus en plus différenciée du mezcal et a gagné en popularité par rapport à ce dernier. En outre, elle était (et est toujours) plus facile à produire, ce qui tend à la rendre moins chère. Cela explique également l’augmentation des exportations.

Dans le cadre de la révolution mexicaine de 1910, la tequila a été progressivement élevée au rang de boisson nationale. Elle est même devenue partie intégrante de la nouvelle identité nationale. Le mezcal est de son côté tombé dans l’oubli, bien qu’il continuât à être produit à petite échelle. La tequila, quant à elle, se trouvait sur une pente ascendante, alimentée par la prohibition aux États-Unis (1920-1933). Alors que la production de boissons alcoolisées était interdite sur le sol américain, les importations illégales en provenance des deux pays limitrophes, le Canada et le Mexique, prospéraient. Bien sûr, dans les villes proches de la frontière, comme Tijuana, les bars florissaient. La grande ivresse des années folles a toutefois été suivie par la désillusion de la crise économique mondiale à partir de 1929, qui a également durement touché les producteurs de tequila.

Source: Adobe Stock, TheStockCube

Pendant la Seconde Guerre mondiale, bien que l’alcool fût à nouveau autorisé aux États-Unis, il n’était pratiquement plus possible d’importer des spiritueux depuis l’Europe. La tequila a comblé ce vide et a parfois surpassé le whisky ! L’invention du cocktail « Margarita » (composé de tequila, triple sec et jus de citron vert) vers 1940 a encore contribué à la popularité de la tequila.

Tequila et Mezcal obtiennent l’appellation d’origine protégée

Après avoir protégé le nom « tequila » sur le territoire mexicain dès 1947, l’État a revendiqué cette protection au niveau international en 1974. À partir de cette date, seules les boissons spiritueuses produites et vieillies au Mexique et répondant à une série d’autres réglementations pouvaient porter cette appellation (voir le paragraphe sur la production). Une autorité spécifique a été créée pour contrôler les directives : le Consejo Regulador del Tequila (CRT). Ce dernier contrôle scrupuleusement les différents aspects de la production de tequila tels que la culture des agaves, la qualité des distillats et, surtout, le bien-être du personnel.

Environ 300 000 emplois sont aujourd’hui assurés directement ou indirectement par l’industrie de la tequila. Plus de la moitié de la tequila totale est produite par seulement quatre distilleries : José Cuervo, Sauza, Herradura et Cazadores.

Le mezcal a obtenu la même protection que la tequila en 1995 et un organisme de contrôle a également été créé en 1997. Dans les années 1990, il a connu un certain renouveau et depuis, il est à nouveau exporté en grandes quantités. Mais il est resté un produit de niche par rapport à la tequila : à peine 7 bouteilles de mezcal sont exportées, contre 1000 bouteilles de tequila. Il existe environ 4000 distilleries de mezcal.

À noter que, depuis 2018, le troisième samedi de mars est la journée nationale de la tequila au Mexique. Elle a également lieu aux États-Unis le24 juillet. Il n’est pas étonnant que cette journée existe aussi aux États-Unis, puisque plus de 70 % (environ 250 millions de litres par an) de la tequila exportée y est consommé !

La fabrication de la tequila en détail

La tequila est l’un des rares spiritueux à être produit exclusivement à partir d’une seule plante spécifique : l’agave bleu de Weber, qui doit provenir de l’État de Jalisco, où se trouve la ville de Tequila (certaines municipalités limitrophes sont également autorisées). Pour que la boisson puisse être appelée tequila, toutes les étapes de fabrication, de l’agave à la tequila finale, doivent également avoir lieu dans cette région.

Il faut entre huit et douze ans (!) à l’agave bleu de Weber pour être prêt à être récolté. Cette longue phase de création du produit de base est extrêmement rare dans le monde des spiritueux et est représentative de l’important travail artisanal qui se cache derrière la tequila et tous les spiritueux à base d’agave.

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La diversité de l’agave

La tequila et le mezcal sont loin d’être les seuls distillats produits à partir de l’agave. Il existe de nombreuses autres eaux-de-vie d’agave, bien que peu connues en dehors du Mexique, notamment le bacanora, la raicilla et le sotol. Comme il n’existe pas de marché important pour ces eaux-de-vie, les producteurs sont souvent de petites entreprises traditionnelles qui accordent une grande importance à l’artisanat et à la qualité. Si vous êtes fan de tequila et de mezcal, vous devriez goûter à ces spiritueux particuliers.

Récolte et cuisson des agaves

Pendant sa croissance, l’agave produit l’amidon nécessaire à la fabrication de l’alcool. C’est aux jimadores, les cultivateurs d’agaves, qu’il revient de déterminer le bon moment pour la récolte. Ce dernier influence considérablement le goût de la tequila. Chaque producteur a ici ses propres préférences quant au moment exact où l’agave doit être récolté.

En principe, le bon moment est celui où la teneur en amidon du cœur de l’agave, la piña, estd’au moins 24 %. Si la récolte a lieu trop tôt ou trop tard, il n’y aura pas assez d’amidon pour la fermentation. Lorsque l’agave est mûr, il forme une hampe florale de plusieurs mètres de haut qui est coupée car elle prive le cœur d’amidon.

À l’aide de la coa de jima, une lame ronde montée sur un long manche, le jimador retire les longues feuilles pointues pour mettre à nu le cœur de la plante. Il pèse entre 40 et 100 kilos et doit mesurer au moins 50 centimètres de long. Les spécimens plus courts ont généralement une teneur en amidon trop faible et ne sont soit pas récoltés du tout, soit éliminés au plus tard avant l’étape de transformation ultérieure.

Jimador lors de la récolte d’agaves. Source : Adobe Stock, Esteban

L’étape suivante est la cuisson des cœurs d’agave. Chez les producteurs traditionnels, cette opération se déroule dans un four à briques et dure environ 24 à 48 heures. Les grands producteurs ont recours à ce que l’on appelle un autoclave, une énorme cuve en acier inoxydable qui fonctionne comme une cocotte-minute. Grâce à la haute pression, le temps de cuisson est réduit à entre 9 et 18 heures. L’amidon de l’agave est transformé en sucre simple à une température d’environ 100 degrés.

Après la cuisson, on laisse refroidir les agaves pendant environ 24 heures. Ensuite, ils sont généralement broyés dans des installations industrielles. Les fibres qui en résultent sont lavées à l’eau afin d’en extraire le jus sucré. Celui-ci est appelé mosto fresco, c’est-à-dire « moût frais ».

Des ouvriers d’une distillerie de tequila mettent des cœurs d’agave dans un autoclave. Source : Adobe Stock, evastar

Du moût à la tequila

Vient ensuite la fermentation et la question de savoir si la tequila sera un mixto de qualité plutôt basse ou un « 100 % agave » de qualité supérieure. Pour un mixto, les producteurs de tequila peuvent ajouter du sucre qui ne provient pas de l’agave pour la fermentation. Jusqu’à 49 % du total des sucres peuvent provenir d’autres sources que l’agave. Cela rend la production moins chère, car la même quantité d’agaves permet de produire plus de tequila. Revers de la médaille : le goût caractéristique de l’agave a tendance à se perdre.

La tequila premium est toujours produite à partir de 100 % d’agave, ce qui est également indiqué sur la bouteille. Si aucune mention correspondante n’y figure, il s’agit de Tequila Mixto. Après avoir été le produit le plus exporté pendant des décennies, la tequila mixto se retrouve depuis quelques années derrière la tequila premium. Aujourd’hui, environ 60 % de la tequila exportée porte le label « 100 % agave » – un signe clair que les consommateurs y ont pris goût. Ainsi, la tequila peut lentement mais sûrement se défaire de son image d’alcool bon marché populaire en soirée et se ranger au classement des spiritueux de qualité comme le whisky et le cognac.

Pour la fermentation, le mosto fresco est placé dans une cuve en acier et additionné de levures. Celles-ci métabolisent alors le sucre et le transforment ainsi en alcool. Sans aide chimique, ce processus dure entre cinq et dix jours, en fonction de la température et de la saison. Pour accélérer la fermentation, il est également possible d’utiliser des adjuvants de fermentation, ce qui permet de réduire le temps d’attente à trois jours maximum. Pendant la fermentation, les levures dégagent beaucoup de chaleur. Si le moût est trop chaud (au-dessus de 35 degrés), les levures meurent et tout le moût doit être jeté. Le producteur doit donc surveiller en permanence la température dans la cuve de fermentation et la refroidir si nécessaire.

Pour la distillation, les producteurs disposent également de deux méthodes différentes : l’alambic à repasse, qui permet d’obtenir un distillat plus fin et de meilleure qualité, et l’alambic à colonne, plus économique. Chaque tequila doit être distillée deux fois. Pour le premier passage, l’alambic est obligatoire. Pour le second, les producteurs peuvent choisir d’utiliser à nouveau l’alambic à repasse ou bien l’alambic à colonne.

Dans les deux méthodes, la distillation est basée sur le fait que l’alcool a un point d’ébullition inférieur à celui de l’eau (environ 78 degrés) et d’autres substances indésirables contenues dans le mosto. En chauffant le moût, l’alcool s’évapore et une grande partie de l’eau reste. Cela permet de séparer l’eau de l’alcool et d’obtenir un spiritueux à haute teneur en alcool.

Distillation dans l’alambic à repasse

Examinons les deux variantes de plus près : la plus élaborée est la distillation dans un alambic en cuivre, comme pour le whisky single malt. Le moût est placé dans l’alambic et chauffé jusqu’à ce qu’il atteigne le point d’ébullition de l’alcool. Ce dernier étant mélangé à de l’eau, son point d’ébullition est légèrement supérieur à 78 degrés. L’alcool et une partie de l’eau s’évaporent et le mélange monte dans le col étroit de l’alambic, où certaines substances indésirables réagissent avec la paroi cuivrée de l’alambic et y restent accrochées. C’est pourquoi l’alambic doit être en cuivre, au moins à l’intérieur. La vapeur est ensuite envoyée dans un condenseur où elle est refroidie afin de se liquéfier à nouveau.

Alambics à repasse en cuivre dans une distillerie de tequila. Sur le côté gauche (en bleu) se trouvent les condenseurs qui liquéfient à nouveau la vapeur distillée. Source : Adobe Stock, Fernando

Ce liquide, qui sort de l’alambic, est divisé en trois : la première partie, appelée « tête », contient des éléments non comestibles. Ces composants ont le point d’ébullition le plus bas et sont donc les premiers à s’évaporer. Vient ensuite le « cœur », qui fait l’objet d’un traitement ultérieur. On y trouve tous les arômes souhaités dans la tequila. Enfin, la dernière partie appelée « queue » est également éliminée. Une fois que tout le moût s’est évaporé, l’alambic doit être entièrement nettoyé avant de pouvoir être réutilisé.

L’endroit exact où ces séparations sont faites est du ressort du maître distillateur et varie d’un fabricant à l’autre. Il est toutefois important que ce processus soit aussi identique que possible à chaque passage, afin que le goût de la tequila finale reste le même. Le maître distillateur doit ici pouvoir s’appuyer sur sa grande expérience, car il n’existe pas de recette standard. Le moût est un produit naturel dont la qualité et la composition varient. Le maître distillateur doit en tenir compte.

Après le premier passage, le taux d’alcool du « cœur » est d’environ 25 %, ce qui n’est pas encore suffisant pour la tequila. Une nouvelle distillation est donc effectuée. De nombreux producteurs misent sur un deuxième passage dans un alambic à repasse, qui se déroule exactement de la même manière que le premier. Cependant, certains gros producteurs utilisent un alambic à colonne pour la deuxième distillation. Celui-ci est souvent employé dans le monde des spiritueux lorsqu’un alambic à repasse n’est pas obligatoire et que d’énormes quantités d’alcool doivent être produites. Ainsi, il est utilisé pour la vodka, le gin, le rhum et certains types de whisky.

Distillation dans l’alambic à colonne

Dans la colonne de distillation, il est possible de distiller en continu et non par lots individuels comme dans l’alambic à repasse. C’est pourquoi ce type de distillation est le plus rapide et le moins cher des deux. L’alambic à colonne est un tube de dix à vingt mètres de haut, divisé à l’intérieur par de nombreux plateaux intermédiaires perforés, ce qui permet à la vapeur distillée de monter. Le tiers inférieur de la colonne accueille le moût, qui se répartit sur les plateaux intermédiaires situés en dessous. De la vapeur d’eau monte d’en bas, ce qui réchauffe le moût et le fait s’évaporer. Le moût évaporé s’élève alors jusqu’à ce qu’il rencontre le plateau intermédiaire suivant. Il s’y condense et s’évapore aussitôt.

Le moût monte ainsi de plus en plus haut dans la colonne, où il s’évapore et se condense continuellement. Plus il monte, plus il fait froid, puisque la source de chaleur se trouve tout en bas de la colonne. Cela signifie que plus le moût est haut, plus la quantité d’eau qui s’évapore avec lui est faible. Tout en haut, la vapeur ne contient pratiquement plus que de l’alcool – ce procédé permet d’atteindre jusqu’à 96 % de pureté. Le taux d’alcool auquel le distillat est prélevé est propre à chaque producteur. En règle générale, il se situe entre 55 et 60 %.

Exemple d’un petit alambic à colonne. Le moût est introduit en bas à gauche et évacué tout en haut. Source : Adobe Stock, markobe

La maturation et âges de la tequila

La tequila est prête après la deuxième distillation. Elle peut alors être mise en bouteille et vendue directement ou être vieillie en fûts de bois. Pour le vieillissement, les producteurs utilisent souvent des fûts de whisky usagés provenant des États-Unis. La maturation est courte par rapport au whisky écossais, par exemple. L’âge de la tequila n’est généralement pas indiqué en années, mais en degrés de maturation ou d’âge universels :

  • Blanco : cette tequila est mise en vente après la distillation sans maturation. Elle est reconnaissable à sa couleur transparente et se caractérise par un goût d’agave prononcé.
  • Reposado : « repos » en espagnol. La tequila reposado passe entre deux et onze mois en fût de chêne. Cela lui confère des arômes plus variés et une couleur dorée.
  • Joven : « jeune » en espagnol. Un mélange (blend) de tequila blanco et reposado.
  • Añejo :« vieux » en espagnol. La durée de maturation varie entre un et trois ans. Les arômes boisés de la tequila reposado sont sont davantage affirmés et les arômes de l’agave passent plutôt en arrière-plan.
  • Extra Añejo : les tequilas portant cette appellation vieillissent pendant au moins trois ans. Leur arôme prend des notes boisées intenses et s’oriente vers le whisky et le rhum. Elles sont considérées comme « ultra premium » et leur prix est généralement élevé.
  • Cristalino : ce sont des tequilas Añejo ou Extra Añejo qui sont filtrées et perdent ainsi leur couleur. Le filtrage n’a guère d’effet sur le goût, c’est pourquoi les Cristalinos ont en grande partie le profil gustatif d’une Añejo (extra). Il est donc probable que cette nouvelle forme soit avant tout une mesure de marketing permettant aux fabricants de se distinguer sur un marché en croissance constante.

Pendant le temps passé en fût, la tequila ne fait pas que réagir avec le bois, elle s’évapore aussi. La « part des anges » (angels’ share) désigne la quantité de distillat perdue chaque année par évaporation. Si elle est d’environ 2 % par an pour le whisky écossais, elle peut atteindre 10 % pour la tequila ! Cela est dû au climat chaud du Mexique. Après seulement trois ans en fût, plus d’un quart de son contenu peut donc déjà s’être évaporé, ce qui se répercute sur le prix des tequilas vieillies.

C’est aussi la raison pour laquelle on ne trouvera jamais de tequila vieillie aussi longtemps que le whisky ou le cognac, qui sont parfois conservés 30 ans ou plus. Après autant de temps, les fûts de tequila seraient tout simplement vides. En outre, le faible point d’ébullition de l’alcool est ici un facteur limitant : l’alcool s’évapore plus rapidement que l’eau, ce qui fait que le taux d’alcool dans le fût diminue avec le temps et finirait par être inférieur au minimum légal de 38 %.

Des tonneaux de tequila reposent dans une distillerie. Source : Adobe Stock, Nataliia

Mise en bouteille, réglementation et rituel de consommation

Une fois la période de maturation terminée (ou, dans le cas de la tequila Blanco, directement après la distillation), vient l’étape importante du blending, c’est-à-dire le mélange de différents lots. Tous les « composants » de la tequila, comme les agaves, les levures et même le bois des fûts, sont d’origine naturelle. C’est pourquoi la tequila finale n’a pas toujours le même goût. En tant qu’acheteurs, nous nous attendons toutefois à ce que le goût de la tequila d’un même producteur soit toujours identique à celui auquel nous sommes habitués. C’est le rôle du master blender de créer cette consistance en mélangeant différents lots en proportions exactes. Pour cela, il se fie exclusivement à son sens du goût très développé et à son expérience.

Si le mélange est correct, la tequila est mise en bouteille, étiquetée puis mise en vente. Certains producteurs insistent sur l’embouteillage manuel afin de respecter leurs traditions. La plupart d’entre eux misent toutefois sur un remplissage mécanique des bouteilles.

Toutes les étapes de la production sont soumises à des exigences strictes de l’autorité de contrôle CRT. Pendant la distillation, les producteurs doivent collecter différentes mesures et valeurs de laboratoire qu’ils rapportent régulièrement au CRT. Les fûts fraîchement remplis sont fermés et scellés par un employé du CRT. Les étiquettes sont également très réglementées : pas moins de 12 mentions explicites sont obligatoires, dont la catégorie d’âge, l’adresse du producteur et la mention selon laquelle la tequila a été produite au Mexique.

Les producteurs ont toutefois carte blanche pour la conception des bouteilles. Et ils utilisent cette liberté comme peu d’autres producteurs dans le monde des spiritueux. On trouve ainsi des bouteilles de tequila en forme de têtes de mort, de squelettes, d’anneaux, de couronnes, de moulins à poivre, d’éclairs et de crânes de jaguar, pour ne citer que quelques exemples. Pour les mises en bouteille haut de gamme en particulier, ces bouteilles sont souvent soufflées à la bouche et décorées à la main avec beaucoup de soin.

Beaucoup d’entre nous connaissent sans doute le « rituel de consommation » classique de la tequila depuis leur jeunesse : lécher le sel sur sa main, vider le verre à shot, puis mordre dans un quartier de citron vert. Il est intéressant de noter que cette pratique n’est guère répandue au Mexique. La tequila y est servie, surtout dans les restaurants, sous forme de bandera (« drapeau »). On reçoit alors trois verres dont le contenu représente les couleurs du drapeau mexicain et que l’on boit dans cet ordre : jus de citron vert, tequila jeune (blanche) et sangrita, un mélange très épicé de jus de tomate et d’orange (rouge). La tequila de qualité supérieure peut très bien être dégustée pure dans un Nosing Glass, comme c’est le cas pour d’autres spiritueux.

Le plaisir de la tequila à la mexicaine : une bandera avec du jus de citron vert, de la tequila et de la sangrita. Source : Adobe Stock, Gilberto Villasana

Les principales différences entre le mezcal et la tequila

Bien que la production du mezcal soit similaire à celle de la tequila, il existe quelques différences. Beaucoup d’entre elles découlent du fait qu’une grande partie des distilleries de mezcal sont de petites entreprises familiales utilisant peu de machines et autres outils modernes. Mais il existe également du mezcal produit industriellement, pour lequel les producteurs renoncent aux méthodes traditionnelles, tout comme il existe de la tequila produite de manière artisanale. Les différences ne sont pas forcément très marquées.

Les principales caractéristiques du mezcal (traditionnel) par rapport à la tequila sont les suivantes :

  • les agaves : pour la tequila, une seule variété d’agave peut être utilisée, tandis que pour le mezcal, il existe plus de 30 variétés au choix, qui poussent dans différentes régions du Mexique. De ce fait, le terroir, c’est-à-dire l’interaction entre la température, le climat, la nature du sol, l’humidité, l’ensoleillement, etc. devient également un facteur important. Il peut varier fortement entre deux régions de production et donc influencer le goût du mezcal. Il existe donc une plus grande variété de goûts pour mezcal que pour la tequila.
  • la cuisson des agaves : de nombreux producteurs de mezcal font cuire les agaves dans un four en terre. Pour ce faire, des ouvriers creusent une fosse de plusieurs mètres de diamètre, au centre de laquelle ils allument un feu. Ils posent une couche de pierres sur le bois brûlant et attendent qu’elles soient bien chaudes. Ensuite, ils remplissent la fosse avec les cœurs d’agave fraîchement récoltés et recouvrent le tout de terre. Après trois à cinq jours, ils déterrent à nouveau les agaves et les laissent reposer encore un peu avant de les travailler. Cette technique est utilisée depuis des millénaires en Amérique centrale et est à l’origine du goût fumé prononcé de nombreux mezcals.
  • le broyage des agaves : de nombreuses distilleries utilisent encore une roue de moulin en pierre tirée par un âne pour broyer les agaves cuits.
  • la fermentation : plutôt que d’ajouter des levures de culture, les producteurs de mezcal misent sur une fermentation naturelle. Cela signifie qu’ils placent le moût dans une cuve de fermentation et attendent tout simplement que la fermentation se déclenche d’elle-même. Les microbes et levures nécessaires à cet effet sont présents partout dans la distillerie et trouvent leur chemin jusque dans la cuve.
  • la distillation : pour le mezcal, on utilise exclusivement des alambics à repasse et non des alambics à colonne. Ils peuvent être en cuivre, en bois ou encore en argile. Les producteurs utilisent parfois des alambics inspirés des alambics introduits par les Philippins au XVI siècle.
  • le ver : certaines bouteilles contiennent un ver. Au sens strict, il s’agit certes d’une larve de papillon, mais le terme de « ver » ou gusano en espagnol s’est imposé. Il existe de nombreuses théories sur l’origine de cette particularité du mezcal, mais aucune vérité définitive. Le ver n’exerce aucune influence sur le goût, il s’agit finalement d’un coup de marketing. Si la mention con gusano figure sur l’étiquette, vous obtiendrez certainement un mezcal avec des protéines supplémentaires.

Four traditionnel pour la cuisson des cœurs d’agave. Les pierres chaudes sont placées au centre, puis les agaves sont posés dessus. Source : Adobe Stock, Svitlana Belinska

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